Partage des connaissances : une question de conditions de travail ou de gestion des ressources humaines ?
Quel que soit le secteur, la création, l’utilisation et le partage des connaissances est cruciale pour permettre à l’entreprise de se doter d’un véritable avantage concurrentiel. Mais comment procéder ?
Une étude récente recommande d’opter pour une méthode au cas par cas, tenant compte de la motivation et du niveau d’autonomie de chaque collaborateur.
La production et l’exploitation des connaissances au sein d’une entreprise représente une question clé en matière de ressources humaines. La démarche implique non seulement les employés et leur manière de partager leurs connaissances avec leurs collègues, mais aussi les procédés utilisés et l’intervention potentielle de la direction. L’objectif : améliorer la satisfaction et le sentiment de reconnaissance des collaborateurs en facilitant le partage du fruit de leur travail, et permettre à l’entreprise de bénéficier de ces échanges intra-organisationnels. Il faut trouver une approche adéquate afin d’adopter soit une politique globale pour créer des conditions de travail optimales, soit, comme suggéré dans l’étude exposée, une réponse plus individuelle aux besoins et aux motivations de chacun.
Un climat idéal à la coopération et à la motivation
L’objectif de tout manager devrait être de permettre à chacun de ses collaborateurs de fournir un effort personnel dans son travail au profit de l’équipe globale. Pour y parvenir, il faut tenir compte du niveau inné d’engagement de chaque membre de l’équipe, également connu sous le nom de “motivation intrinsèque”. Certains employés tirent un plaisir naturel de leur travail ; d’autres moins. Le but, dans ce contexte : créer les conditions nécessaires pour permettre à tous d’aller dans le bon sens. Ce “climat de coopération” est un processus qui repose sur des techniques informelles d’amélioration du bien-être des employés, à l’image des exercices de “team-building” conduits hors du bureau pour encourager les échanges sociaux. Il favorise le partage des connaissances une fois les équipes de retour dans un cadre strictement professionnel. Il faut cependant noter que tout le monde ne réagit pas positivement à cette approche : les managers doivent donc être prudents dans le déploiement de ce type de techniques.
Appréhender les réticences des collaborateurs
Une étude de cas récente s’est intéressée au siège de la multinationale MAN Diesel à Copenhague, et particulièrement aux départements où le partage des connaissances représente une activité clé (ingénierie, R&D, ventes et marketing, service technique, achats). Son objectif : comprendre l’impact à la fois de la motivation intrinsèque et de l’autonomie sur le lien entre climat de coopération et partage des connaissances. Les résultats ont confirmé les attentes : plus un employé est autonome, moins la mise en place de conditions particulières au partage des connaissances est nécessaire. Par ailleurs, les collaborateurs témoignant d’un enthousiasme naturel pour leur travail ont eux aussi moins besoin de l’instauration d’un climat de coopération pour transmettre le fruit de leur travail à leurs collègues.
À la lumière de ces résultats, les managers doivent donc envisager de mettre en place la configuration nécessaire pour comprendre le niveau de motivation et le désir d’autonomie de chacun des membres de leur équipe. Il leur faut également tenir compte des risques et des coûts impliqués dans la mise en place de conditions favorisant le partage de connaissances. Les résultats de l’étude soulignent clairement le danger d’une pression trop forte sur les employés, générée par des moyens de co-travail avec lesquels ils ne se sentent pas à l’aise.
La liberté de travailler
L’autonomie au travail est directement liée aux concepts de climat de coopération et de motivation intrinsèque : elle a en effet un impact majeur sur les niveaux d’engagement et sur le désir de partager des connaissances. Autonomie rime, par ailleurs, avec liberté et indépendance dans le poste d’un collaborateur dans l’entreprise, un rêve partagé par beaucoup. Bien sûr, elle implique de nombreuses responsabilités et de comptes à rendre, mais elle permet également un travail dégagé de supervision et de lignes directrices, avec davantage de temps disponible pour partager ses connaissances avec ses collègues. Le constat est pourtant simple : chaque employé est différent, tant en termes d’engagement, d’attentes en matière de conditions de travail que de volonté d’indépendance. Une approche au cas par cas vaudra donc toujours mieux qu’une approche globale lorsqu’il s’agit du lien entre climat coopératif, motivation intrinsèque et autonomie, facteurs favorisant le partage de connaissances.
Il peut paraître fastidieux et chronophage d’apprendre à connaître les besoins et les attentes de chacun. Pourtant, cette démarche permettrait sans doute à de nombreux managers de gagner temps et énergie, plutôt que d’imposer des climats de coopération “clés en main” mais voués à l’échec. Si le savoir est le pouvoir, il doit tout de même être exploité en adéquation avec chaque membre d’une équipe.
Ce texte s’inspire de l’article “Comprendre la relation de partage climat / connaissances : le rôle modérateur de la motivation intrinsèque et de l’autonomie au travail”, écrit par Oscar Llopis et Nicolai J. Foss et publié dans la revue “The European Management Journal” (34, 2016).
Oscar Llopis est professeur assistant en stratégie et en innovation à Rennes School of Business. Ses recherches portent sur la gestion de l’innovation, l’entrepreneuriat universitaire, l’économie de l’innovation, les interactions entre science et industrie et l’analyse des réseaux sociaux.
Nicolai J. Foss est professeur en stratégie et en organisation à la Copenhagen Business School du Danemark. Il s’intéresse tout particulièrement à la gestion stratégique, à la conception organisationnelle, à l’esprit d’entreprise et à la méthodologie des sciences sociales.