Consommation durable : les process, pierre angulaire d’une politique « verte » réussie
Elle a longtemps été considérée comme une simple mode passagère : la consommation « verte » ou durable est aujourd’hui incontournable. Les entreprises ont su répondre à la demande grandissante en biens et en services respectueux de l’environnement. Comment leur permettre d’aller encore plus loin, et de satisfaire les attentes des consommateurs tout en accroissant leurs profits ?
Le phénomène n’est plus nouveau : la consommation « verte » ou durable de produits et de services (papier recyclé, essence sans plomb, produits bio) est devenue monnaie courante. A tel point qu’on en a oublié l’origine : une demande a été identifiée, les fabricants y ont répondu. La tendance, qu’on pensait passagère, a longtemps été considérée comme un luxe. Sauf que désormais, on est prêt à payer plus pour des produits dits « durables ». Rien qu’en Europe, le nombre de consommateurs déclarant leur intention de consommer « vert » a bondi de 31 à 75 % entre 2005 et 2008. Au vu de cet engouement, pourquoi de nombreuses entreprises peinent-elles encore à proposer une offre verte à leurs prospects et à leurs clients ?
Economie verte : la demande en biens et services durables a un coût
Matières premières et produit fini. C’est à chaque extrême du procédé de fabrication que les conséquences de la démarche se font le plus ressentir. Les coûts, plus élevés, impliquent un prix de commercialisation plus important. D’un point de vue marketing, on ne cible plus exactement les mêmes consommateurs : les messages doivent être adaptés. Si l’image ne fait pas tout, un industriel désireux d’apparaître respectueux de l’environnement devra réviser sérieusement le marketing de ses produits et de ses services, ainsi que son discours et son positionnement.
Les conséquences sont également significatives en termes de R&D et de législation. Pour réussir le lancement d’un produit vert et en optimiser les ventes, il faudra bénéficier d’une certification et d’une reconnaissance officielles, ce qui permettra également de légitimer l’approche marketing retenue.
La démarche a tout pour les séduire, et pourtant les entreprises continuent d’en craindre le coût éventuel. Car si elles parviennent à lancer avec succès un produit ou un service, comment vont-elles couvrir les coûts supplémentaires générés, ou mieux, augmenter leurs marges ? La réponse se cache dans le process lui-même.
Consommation durable : process et procédure au coeur de la problématique
En termes de coûts, les conséquences de la fabrication de produits durables peuvent être compensées par l’amélioration du process logistique. Pour le prouver, on peut envisager deux scénarios. Dans le premier, une entreprise assure le lancement d’un seul produit, dont le succès repose sur la demande des consommateurs. Dans le second, elle offre, après avoir segmenté le marché, différentes variantes en matière de « durable » et de « vert » à différents profils de consommateurs.
En toute logique, on peut s’attendre dans ce dernier cas à des coûts plus élevés pour l’entreprise. Pourtant, la chaîne logistique verte lui offre de nombreuses opportunités d’optimisation de ses process de fabrication. A tel point qu’une approche multi-produits sera probablement la plus fiable sur le long terme. Le danger, avec le lancement d’un seul produit : la perte potentielle de clients due à une perte de contrôle sur la demande (les uns veulent consommer « durable », les autres non). L’entreprise se retrouve alors au service du consommateur, plutôt que dans une démarche d’écoute et d’apport d’une réponse adaptée à son besoin.
Un impératif : l’engagement global de la part des entreprises
Toute entreprise désireuse de s’inscrire sérieusement dans une démarche verte se heurte aux problématiques posées par la législation : seuils d’émission, taxes potentielles, pénalités, indemnités de sortie… Tout doit être fait dans les règles. Le produit fini n’est pas la panacée : le process est primordial, tant en termes de recyclage, de fabrication, de transport que d’émissions de carbone. Une entreprise ne saurait se contenter d’un beau slogan publicitaire : elle doit adhérer au concept dans son ensemble, aussi bien stratégiquement, politiquement que logistiquement.
En matière d’économie durable, l’engagement de nombreuses entreprises dépend donc directement des coûts reportés sur le produit ou le service final, et de leur disposition à prendre des risques. L’engouement des consommateurs pour les biens de consommation respectueux de l’environnement est pourtant évident. La croissance du marché aide les entreprises à rentabiliser les coûts supplémentaires de fabrication, de marketing et de recherche et développement par la mise en place de prix plus élevés. En outre, de nombreux consommateurs souhaitent démontrer leur conscience verte en choisissant des produits plus chers et plus respectueux de l’environnement, au détriment d’alternatives meilleur marché. Les entreprises doivent prendre en compte l’ensemble de ces données lorsqu’elles mettent en place une politique durable, même si elles ne savent pas combien de temps il leur faudra pour rentabiliser leur investissement.
Il faut bien sûr garder à l’esprit que tout le monde ne peut pas se permettre le coût supplémentaire que représente la consommation durable. Le contexte actuel est à la segmentation du marché, à une offre plus vaste et plus orientée consommateur, et à une approche industrielle plaçant la logistique, le client et le produit au coeur des processus. Une approche plus flexible et plus personnalisée saura donc aider les entreprises à un moment où la « croissance » s’apparente davantage à un concept qu’à la réalité.
Ce texte s’inspire de l’article « Optimization of manufacturing systems under environmental considerations for a greenness-dependent demand » par Imen Nouira, Yannick Frein et Atidel B. Hadj-Alouane et publié dans la revue « Int. J. Production Economics 150 – 2014 ».
Imen Nouria est professeur assistante à Rennes School of Business. Dans le cadre de ses recherches, elle s’intéresse tout particulièrement aux achats et à la gestion la chaîne logistique.
Yannick Frein – Grenoble-INP, UJF-Grenoble 1, France
Atidel B. Hadj-Alouane – Université de Tunis El Manar, Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis, Tunisia